Le roi qui voulait voir la mer by Gérard de Cortanze

Le roi qui voulait voir la mer by Gérard de Cortanze

Auteur:Gérard de Cortanze [Cortanze, Gérard de]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Littérature
Éditeur: Éditions Albin Michel
Publié: 2021-09-29T00:00:00+00:00


Tandis que l’escadre sortait de la baie de Cherbourg, Louis sentit son « cœur battre plus fort dans sa poitrine », comme l’en avait prévenu Trécanson. Il ne s’agissait plus de lecture ni d’imagination, mais de la réalité. Il était en train de vivre sa première journée en mer. En un instant chacun avait rejoint sa place, trouvé l’action qui était la sienne : larguer les voiles, brasser les vergues, déraper l’ancre. Des ordres furieux, précis, étaient lancés à vive allure et se trouvaient exécutés de façon instantanée. Il y avait une telle hâte partout, un tel chassé-croisé d’appels et de mouvements que Louis en eut presque honte. Il croyait tout savoir de la marine et des marins, de la théorie, oui, mais de la pratique, il ne savait rien. Il pensa : « Il n’est pas de créature plus lamentable au monde qu’un terrien, fût-il roi de France, quand celui-ci est jeté sur le gaillard d’avant d’un bateau. » Dans la brume à présent dissipée, sous le vent enfin favorable, cette mer qui s’offrait à lui était comme la surprise d’un monde nouveau.

Mais la mer a des caprices que nul marin, même le plus expérimenté, ne parvient à maîtriser totalement. Alors que Louis pensait que les bateaux allaient ainsi avancer jusqu’au soir, le vent devint soudain si faible que les deux divisions qui avaient presque fini leur ralliement au pavillon royal, malgré leurs efforts pour changer le cours de l’histoire, durent faire manœuvre chacune de leur côté comme si elles eussent été ennemies, n’en exécutant d’ailleurs pas moins fort bien tous les mouvements qui devaient être ceux déployés devant le roi. En somme, c’était une leçon supplémentaire qui lui était adressée.

Enfant, il ne comprenait pas l’antagonisme existant entre les marins du roi et certains autres comme les baleiniers. Les premiers reprochaient aux seconds de ne pas brasser correctement leurs vergues, de laisser faseyer leurs voiles, de mettre en panne la nuit, en somme de manœuvrer « lâche », mais aussi d’êtres désordonnés, sales, de fumer et de sentir l’huile à des milles à la ronde. Maintenant il comprenait : rien de tout cela n’existait sous la houlette du lieutenant-général d’Albert de Rions. La manœuvre effectuée sous ses ordres par les marins du Patriote était d’une beauté infinie, qui n’était pas sans rappeler cet ordonnancement parfois si poétique des mathématiques. Chaque bateau tenait correctement sa place dans la ligne. Tous ensemble, dans un accord parfait, les navires effectuaient changements de direction, virements de bord et prises de mouillage. Cette manœuvre collective était d’autant plus difficile qu’elle devait se faire dans le respect des convenances navales, telles que rester sous le vent du Patriote. Que ne pouvait-on appliquer à la direction d’un État cette exigence, cette perfection, cette logique d’honneur !

Parvenue à une distance d’environ quatre lieues des côtes, l’escadre se livra malgré tout à diverses évolutions qui enchantèrent Louis, notamment la dispute du vent et l’avantage de la position. À quelques lieues plus en avant, les corvettes La Flèche et



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